
04h00. Je la sens arriver. Il faudrait agir vite et proprement, avaler un cachet et attendre. Mais pas cette fois. Les premiers frissons sont étrangement agréables. Elle semble satisfaite de ma résignation. Et comme à son habitude, attaque sans prévenir. Pourquoi se battre contre l'inéluctable ? Les visages se succèdent. Ces putains de gueules déformées ne m'effraient plus, faute à l'habitude. 05h00. Convulsions terminales. Sur le tourne-disque, Tom Waits et son incroyable Nighthawks at the dinner. J'attrape une paire de baskets et un short. Une démarche chancelante que dirige un cerveau lobotomisé par la haine.
J'y suis allé. Ca aurait du être la dernière fois. Tu n'as même pas bronché. Qu'importe. La mer me souriait. J'aurais voulu y aller, y rester, m'y noyer, lui appartenir pour l'éternité. Au lieu de ça, je me suis contenté de lui parler. Une promesse. L'eau jusqu'au cou. Encore cinq mètres et c'est fini. Non, non je n'ai pas le droit. Tout détruire. J'ai peur, peur comme jamais. Quoiqu'il arrive, on survivra toujours n'est ce pas ? Les dix invincibles. Les sept. Rose, Rose... Et puis toi, toi qui m'a vaincu, toi Gon. J'avais promis une partie d'échec à quelqu'un. Il la jouera seul. Qu'importe. Il ne compte plus. Tu t'envoles. Et je reste à terre, impuissant. Interdiction ? Jamais, je continuerais, je crèverais en courant s'il le faut, mais jamais non jamais on ne m'interdira ça. Arrête de faire semblant, sois vrai, ta haine, ta haine, sers t'en. Et si un jour, tu te souviens de ce que tu m'avais promis ce soir là, alors c'est que quelque part j'aurais réussi. Et partir seul. M'attacher ? Je l'ai fait autrefois. Pourquoi se mentir, pourquoi se bercer d'illusions ? Pour nous protéger de la réalité ? Arrêtez ces conneries, vous pensez que c'est en fuyant qu'on devient quelqu'un ? Je ne vis plus, je survis. Et la prochaine fois, je ne préviendrais pas. Parce que lui, il ne l'avait pas fait. Et parce qu'il est tout. Je vais gagner cette course. Pour deviner ton regard de fierté posé sur moi une dernière fois. Et puis dans ces champs de blé, je viendrais te rejoindre. Se retrouver, enfin.
J'ai toujours eu la sensation que l'on nous cachait trop de choses, que la vie s'amusait de nos si frêles âmes, que quoi que l'on fasse, le courant de notre destin ne pouvait être vaincu. J'ai toujours cru que tout cela finirait par s'arranger, qu'il fallait laisser faire le temps. Ce sont les fondements de l'être faible que je représentais à ses yeux. Là ou les autres étaient tombés, il était encore debout. Là ou il n'y avait plus d'espoir, il était ce doux vent chaud qui remplit ton coeur de courage. Là ou il n'y avait plus rien, il était tout. Combattant de l'éternel dans le triste et maussade abri que j'offrais. Il m'a tendu la main là ou personne ne l'avait fait. Il était devenu moi, il vivait en moi, son espoir, ses souvenirs, ses rêves vivaient à travers moi. J'aurais voulu qu'il ne s'arrête jamais de sourire. Dans ce courant qui emporte chaque homme vers son destin, il faisait partie de cette élite, il était de ceux qui tentaient de rejoindre la berge, il voulait vaincre la vie, il voulait nous prouver que rien n'est plus fort que l'espoir. Quand il est parti, j'aurais voulu partir avec lui. Quand il est parti, tout ce qu'on avait construit ensemble s'est effondré avec le vent. Il est parti alors qu'il pouvait enfin apercevoir cette berge couverte de neige. Mais non. C'était fini. Il m'a laissé seul au moment ou j'avais le plus besoin de lui. Alors je pourrais vous conter les années qui suivirent, je pourrais vous parler de Kirua, de la walkyrie aux cheveux d'or, de l'espoir de Kimi, de tout. Mais non. C'est fini. C'est arrivé à en lire ces lignes que résonne dans votre tête : pourquoi ? Je pourrais vous donner la raison de ce pourquoi mais j'entretiens l'infime conviction que le peu de magie qui peine à survivre en moi s'envolerait.
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